Abstract: | Le prĂ©sent propos vise à rendre manifeste les tentatives de Samuel Beckett d’«altĂ©rer » le moi et de donner substance à sa prĂ©sence fictionnelle au monde, et à les mettre en perspective avec la dialectique ablative et purgative de Nâgârjuna. Ce sage bouddhiste de l’AntiquitĂ© indienne prĂ´ne une voie dite du «milieu», ouverte sept siècles auparavant par Bouddha, selon laquelle il rĂ©fute les extrĂ©mitĂ©s de l’existence et de la non-existence en tant qu’elles sont des illusions d’un moi et d’un non-moi. Il dĂ©signe ainsi la voie du milieu sous le nom de vacuitĂ© de substance propre, laquelle n’est autre que l’interdĂ©pendance de tous les phĂ©nomènes. Dans une quête d’abstraction autant du moi que des formes qui le manifestent, l’expĂ©rience beckettienne de la recherche du non-être «achoppe sur l’insupprimable perception de soi ». Cette «altĂ©ration» de l’être pourrait n’être que sophistique si elle ne reprĂ©sentait l’enjeu à l’œuvre d’une exploration de l’autre, c’est-à-dire de la prĂ©sentation par des formes de l’imprĂ©sentable, à savoir de la nĂ©gation de soi et de la tentative d’en marquer l’absence au cœur du langage. Celui-ci tient lieu, selon la vacuitĂ© enseignĂ©e par Nâgârjuna, de corps introuvable mais paradoxalement prĂ©sent. |
