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DISSOLUTION DES GENRES ARTISTIQUES, FONCTION SOCIALE ET AUTONOMIE DE L’ART


WILFRIED LAFORGE
UNIVERSITÉ LILLE III, « CHARLES DE GAULLE »

Issue:

INTERSTUDIA, Number 4

Section:

CULTURE(S) ET RE-PR

Abstract:

L’autonomie de l’art suppose que celui-ci soit un domaine parfaitement clos, nettement distinct du reste des activitĂ©s humaines. D’emblĂ©e, cela semble problĂ©matique, notamment parce qu’il n’est plus Ă©vident, depuis les annĂ©es 1960, de distinguer ce qui ne relève pas de l’art, partant du principe que les limites entre les arts – et par voie de consĂ©quence entre l’art et la vie – « s’effrangent » (Adorno), voire, selon Thierry de Duve, ont tout simplement Ă©clatĂ© suite à la rĂ©ception d’un message envoyĂ© par Duchamp : puisque tout le monde peut être artiste – artiste « en gĂ©nĂ©ral » – alors on peut faire de l’art avec n’importe quoi. John Dewey est l’un des premiers à rejeter l’idĂ©e que l’art est une entitĂ© aux propriĂ©tĂ©s intrinsèques, insensible de droit à son environnement institutionnel, culturel, social et à le considĂ©rer comme fondamentalement hĂ©tĂ©ronome : l’art serait est un organisme vivant en interaction avec la vie et son expĂ©rience.

Pour Adorno, la prĂ©sence de l’art au monde est ambiguĂ«, cette ambiguïtĂ© (Doppelcharakter der Kunst) est due au fait qu’il est à la fois autonome et fait social, participant à la rĂ©alitĂ© empirique tout en s’en dĂ©tachant : « l’œuvre d’art est rebelle par sa structure même, toute rĂ©conciliation avec le monde qu’elle dĂ©peint est inimaginable. » Le souci est constant, chez Adorno, de sauvegarder l’autonomie de l’art – la distance qui le sĂ©pare de la rĂ©alitĂ© empirique – tout en conservant son aspect social ; l’enjeu est de sauver, complĂ©mentairement, et cette autonomie et cet ancrage dans la culture. Aussi cette exigence dĂ©termine-t-elle la position d’Adorno vis-à-vis de l’art engagĂ© : l’art doit exclure par principe toute forme d’engagement, car le didactisme, l’intolĂ©rance, le pragmatisme place toute crĂ©ation engagĂ©e aux antipodes de l’art vĂ©ritable auquel il suffit d’exister pour être rĂ©volutionnaire ; sa seule prĂ©sence, dĂ©sintĂ©ressĂ©e, est dĂ©jà une critique de la sociĂ©tĂ©. Cependant pour Adorno, l’art n’est pas une fuite hors du monde, une consolation pour les « esprits graves » (Nietzsche) ou une « douce narcose » (Freud). Il est une « critique de la sociĂ©tĂ© par sa simple prĂ©sence (…) son caractère social est la nĂ©gation dĂ©terminĂ©e de la sociĂ©tĂ© dĂ©terminĂ©e », en d’autres termes sa fonction sociale est paradoxalement une absence de fonction, car s’est en se diffĂ©renciant de la rĂ©alitĂ© empirique que les œuvres expriment, de manière nĂ©gative, la promesse d’un monde autre.

Keywords:

art, effrangement, limite, engagement, fonction sociale.

Code [ID]:

INTERS200904V00S03A0009 [0002909]


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