A l’Ouvroir de LittĂ©rature Potentielle (OuLiPo) règnent certains mots-clĂ©s comme « contrainte d’Ă©criture », « jeu » et « combinatoire ». Le jeu de l’Ă©criture oulipienne pose la problĂ©matique de l’encodage des contraintes dans un texte : un auteur doit-il rendre visible les contraintes d’Ă©criture qui lui ont permis de construire son texte ? Cette question divise le champ des littĂ©ratures à contraintes. Si la plupart des auteurs à contraintes choisissent de ne pas rĂ©vĂ©ler leurs contraintes, certains le font parfois en Ă©pitexte (dans un autre ouvrage) ou en pĂ©ritexte (dans le même ouvrage).
Le degrĂ© de visibilitĂ© le plus fort est reprĂ©sentĂ© par ces rares textes qui ont Ă©tĂ© publiĂ©s accompagnĂ©s en pĂ©ritexte de la formulation de leurs contraintes d’Ă©criture (Cent mille milliards de poèmes, E, Le chĂąteau des destins croisĂ©s). Cette modalitĂ© de transmission des contraintes est rare mais lorsqu’un texte l’actualise, il est intĂ©ressant de constater que les auteurs à contraintes concernĂ©s appartiennent à l’OuLiPo. Nous proposons donc de questionner la dĂ©finition du jeu oulipien des contraintes au niveau de leur transmission au lecteur. À pratique rare, question Ă©pineuse : de quel jeu parle-t-on lorsqu’il s’agit de rendre visible / lisible ce qui peut modifier la lecture d’un texte? C’est la question que nous posons en nous appuyant sur les formes visuelles d’encodage de la contrainte dans Cent mille milliards de poèmes, texte qui est non seulement fondateur de l’OuLiPo mais aussi premier à avoir posĂ© le discours pĂ©ritextuel du « mode d’emploi ».
La critique Ă©lude le plus souvent la question de la lecture de Cent mille milliards de poèmes en classant ce texte, soit comme un hypertexte, soit comme un texte intĂ©ressant mais illisible. En nous appuyant sur les modalitĂ©s de lecture dĂ©veloppĂ©es par Franck Wagner , nous proposons une forme de lecture impliquĂ©e du texte à contraintes qui englobe la lecture du texte et du pĂ©ritexte (ici auctorial et allographe). |